Où l'on remonte la Colorado River en longeant les paysages escarpés du Grand Canyon
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- Mc Carran International Airport (Las Vegas, Nevada, USA)
- Henderson Executive Airport (Las Vegas, Nevada, USA)
- Page Municipal Airport (Page, Arizona, USA)Je suis malade.
Je ne sais pas, sans doute la combinaison entre les températures étouffantes du Nevada et la fraîcheur sur-climatisée des casinos de Las Vegas. En tous cas, bien que le vol d'aujourd'hui s'annonce très intéressant, j'ai du renoncer à une place de pilote.
En ce matin chaud, sous un ciel bleu mais chargé de cumulus bouffis, c'est Vincent qui aligne notre bon vieux N4975F au milieu de la large piste 7 left de McCarran. Malgré ma fièvre et ma gorge râpeuse, je suis à la place du copilote pour la première branche. Il faut dire qu'elle va durer à peine dix minutes : un saut de puce de McCarran International, le grand aéroport au pied du Strip de Las Vegas, jusqu'à Henderson Executive, dix kilomètres au sud. C'est un peu comme de faire StCyr - Chavenay. On prend l'ATIS de la destination au parking, et à peine a-t-on décollé qu'on quitte la tour de McCarran pour passer avec Las Vegas Departure, qui nous renvoie presque immédiatement sur Henderson Tower, qui nous autorise à atterrir :
"Skyhawk 4975F, Henderson Tower, make straight-in runway 1-7 left...
... runway 1-7 left, cleared to land, trafic is a Duke on the right base landing on the right."
On ne fait qu'un pit-stop à Henderson, pour remplir les réservoirs, parce que les tarifs de l'Avgas y sont plus raisonnables qu'à McCarran. Les pompes à essence sont disposées en cercle sur un îlot de bitume posé au milieu des parkings. Les trois Cessnas de l'équipée Farwest sont positionnés tout autour, et chacun vaque à ses occupations - faire un plein, vérifier le tracer de la nav à venir, se balader sur le parking, sommeiller dans l'avion... - pendant qu'un bruit inhabituel se fait entendre. D'abord lointain, le grondement enfle progressivement jusqu'à attirer l'attention de tout le monde vers le seuil de la piste 17. Trois ChinooksSea Knights (merci à Max sur Pilote Virtuel d'avoir pointé l'erreur) des Marines, peints en gris basse visibilité, se sont posés et remontent la piste en file indienne. Tiré de ma sieste par ce boucan d'apocalypse (now), je sors du Cessna, appareil photo à la main, juste à temps pour voir le premier hélicoptère s'arrêter et quitter la piste sur le taxiway Echo, juste devant les pompes. Il fait demi tour sur son axe et repart vers sa place de parking, ses roues frôlant à peine le bitume, la majeure partie de sa masse juste supportée par la portance de ses deux rotors, la chaleur de ses turbines faisant miroiter l'air dans son dos. Un Marine en combinaison beige, penché par la portière ouverte, semble guider la manoeuvre en communiquant avec le pilote par un micro fixé sur son casque de vol blanc. Bientôt, les deux autres machines lui emboitent le pas et le vrombissement s'attenue doucement. Pendant quelques instants, dans la chaleur poussièreuse du désert du Nevada, on se serait cru en Irak.
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Nous décollons d'Henderson et faisons un grande boucle autour de la classe B de Las Vegas pour rejoindre le lac Mead. Comme entre Portland et Reno, c'est Patrick qui est commandant, Vincent est en place droite et je suis calé au milieu des bagages sur la banquette arrière.
Nous passons Boulder City, puis au dessus du barrage Hoover, un arc de cercle de béton blanc coincé entre deux falaises de rocher brun. Un peu en aval, un pont est en construction, apparemment pour remplacer la petite route tournicotante qui passe sur le barrage par une large autoroute rectiligne. Les deux gigantesques demi-arches de l'ouvrage, suspendues par une multitude de câbles, enjambent vertigineusement la Colorado River, encore plus impressionantes que le barrage lui-même.
Cap à l'est, nous suivons les méandres du lac Mead jusqu'en Arizona. Les rives s'élèvent et se rapprochent peu à peu, les plages fractales de rocher érodé devenant progressivement des falaises déchiquetées aux teintes orangées. Quand nous arrivons au dessus du Grand Canyon proprement dit, je me suis endormi. Maudite grippe, qui m'aura fait rater le survol de cet endroit mythique.
Pendant le reste du vol, j'emerge ponctuellement d'un sommeil enfiévré, absorbant furtivement des images de restanques brunes aux étagements anarchiques et gigantesques, d'immenses pitons aux sommets plats entourés d'éboulis de rochers, de reflets de soleil entraperçus sur la Colorado river au fond d'un canyon vertigineux, de glissement de gouttes de bruine sur le pare-brise du Cessna...
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Je ne me rappelle même pas l'atterrissage à Page. Je crois que je me suis seulement reveillé au parking, et que j'ai raté l'arrivée sur le lac Powell, le bandeau noir de la piste 33, la tâche verte de la ville de Page au milieu de l'aridité du désert, et le mont Navajo dans le lointain.
Le N9488G se fait attendre - nous apprendrons plus tard que Marc-Olivier a décidé de s'arrêter et de se dégourdir les jambes un moment sur le petit terrain de Marble Canyon, plus au sud, avant de rejoindre Page. Fédéric, Bertrand et Patrick, enthousiastes, repartent à bord du N487SP faire un local au dessus de Lake Powell au coucher du soleil. Je reste au sol avec l'équipe Priceline : on aura pas de quatre étoiles à Page, mais ce soir je serais bien content avec n'importe quel hôtel où je pourrais m'allonger.