28 mars 2011

Far West 2009, 10 juin : de Page à Sedona

Où l'on fait du vol en formation au dessus des canyons de l'Utah et des mesas de Monument Valley
http://picasaweb.google.com/fgasseau/090610Fw09KPGAU96KSEZ
- Page Municipal Airport (Page, Arizona, USA)
- Cal Black Memorial Airport (Halls Crossing, Utah, USA)
- Sedona Airport (Sedona, Arizona, USA)


Aujourd'hui ça va mieux. Une bonne nuit de repos semble avoir mis ma grippe en déroute. Et c'est tant mieux parce que les vols d'aujourd'hui sont sans doute les plus beaux et les plus dépaysants de toute l'épopée Farwest.
La matinée est agréable. Il ne fait pas encore trop chaud, et le ciel est d'un bleu estival parsemé de cumulus joufflus. Sur le parking de Page, notre petit équipe s'affaire : Joël complète l'huile du 88G, Vincent astique le pare-brise de 75F, le vieux camion citerne Ford du FBO fait les pleins du SP... On discute devant les cartes, on programme les GPS, on prend la météo, on se promène sans but entre les avions parqués... Dans le hall de l'aérogare, nous rencontrons des pilotes locaux qui nous recommandent vivement de passer au dessus de Zion Canyon avant de rejoindre Bryce. On interroge, on discute, on remercie, et on repart tracer des traits sur les cartes et programmer des points tournants dans les GPS.

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"Page trafic, Cessna N4975F, radio check...
- Loud and clear 75F.
- 75F thank you."
Comme d'habitude, Vincent est consciencieux, et après avoir crié "clear prop" avant de démarrer le moteur, il prend soin de vérifier qu'on l'entend sur la fréquence d'auto-information de Page. Il serait dommage de s'apercevoir, après avoir roulé et décollé, que l'on parlait dans le vide parce que l'on s'était trompé dans le réglage de la radio !


Nous nous envolons de la piste 33 et obliquons à gauche au dessus du lac Powell. L'un après l'autre, nos trois Cessnas mettent cap à l'ouest, le long de la frontière entre l'Arizona et l'Utah, survolant un désert accidenté de poussière brune duquel émergent par endroit des bosquets de rochers acérés. Nous passons au dessus des falaises rouges d'un premier canyon anonyme - il y en aura beaucoup d'autres - puis au large des Coral Pink Sand Dunes, un lac de sable rose enchâssé entre deux escarpements ocres, dont la surface ridée de vagues lisses est piquetée des points noirs de petits conifères.


Pas de flight following sur ce vol, mais comme d'habitude nous gardons le contact radio inter-avion sur la fréquence 123.45. Nous nous arrangeons ainsi pour retrouver 88G au dessus des pistes en croix de Colodaro City et continuons vers le nord, au dessus de Zion National Park. Le pilote de Page n'a pas exagéré : le spectacle est grandiose. Le parc est un vaste massif de Navajo Sandstones qui émerge de l'aplat inégal du désert environnant. Ces hauts plateaux ont des sommets plats couverts de végétation émeraude, et s'arrondissent en pentes de grès blanc avant de chuter vertigineusement dans des crevasses plus ou moins larges et profondes. En formation lâche avec le 88G piloté par Joël, nous remontons la plus grande d'entre elles : le Zion Canyon proprement dit, une immense saignée verdoyante au fond de laquelle miroitent les méandres de la Virgin River ; et la présence d'un autre avion au bout de notre aile donne une échelle aux dimensions gigantesques de ce décor que notre altitude de vol à tendance à minimiser.


Et soudain, c'est de nouveau la plaine, presque verte cette fois car le terrain est plus élevé, plus tempéré qu'à Page. Et puis c'est Bryce Canyon. Je ne sais toujours pas pourquoi on appelle ça un canyon : Bryce est plutôt un grand amphithéâtre qui s'arrache brusquement à la pente douce de la forêt environnante. Toujours en formation avec 88G, nous glissons près de ce mur, admirant les innombrables hoodoos, cheminées rocheuses rouge et orange, qui ondulent le long de la paroi.
Dans les trois avions (le troisième Cessna, SP, est un peu plus au sud et un peu plus haut), caméras et appareils photos mitraillent, et des yeux grand ouverts absorbent des souvenirs.


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Après Bryce, nous continuons vers l'est jusqu'à traverser le bras nord du lac Powell au niveau de la Bullfrog Bay. Nous nous posons juste de l'autre coté, à Cal Black Memorial, pour faire le plein. A Cal Black, on est vraiment au milieu de rien : un ruban de bitume noir posé au milieu des cailloux poussiéreux, un petit groupe de caravanes, une vieille pompe à essence et un gestionnaire qui semble à deux doigts de sortir le fusil quand je tarde à arriver pour payer mon plein.


Je me rends compte que c’est la première fois que je vois le désert du sol. Derrière les palissades rouillées de l’aérodrome, un vent chaud balaye des volutes de poussière rouge sur la surface de vastes aplats de roches lissés par l’érosion. Partout, émergeant de fissures dans le manteau caillouteux, des touffes d’une végétation austère dansent dans les rafales sèches. Ici, le nom que nous avons choisi pour notre périple prend tout son sens : on est vraiment au farwest.


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Nous repartons de Cal Black et vers le sud, en passant au dessus du lit verdoyant de la San Juan River là où elle rejoint le lac Powell, pour trouver Monument Valley.


Dans N4975F, nous sommes les premiers à arriver à l’aéroport de Monument Valley. Vincent et moi, qui sommes déjà passés par là l’année dernière, reconnaissons la piste en pente collée à la falaise, les quelques habitations agglutinées autour de la boutique de souvenirs Navajo de Goulding, le ruban gris de l’autoroute 163 qui oblique vers le sud. Pour Patrick par contre, c’est la première fois, et il me laisse les commandes pour pouvoir mieux profiter du spectacle. Je ne me fais pas prier, et fait descendre le Cessna à hauteur du sommet des mesas. Pendant une quinzaine de minutes, nous surfons entre les grands plateaux ocres aux jupes d’éboulis, et encore des hoodoos plus ou moins grands qui sortent du désert comme des doigts pointés vers le ciel. A l’arrière, Vincent engrange les images qui donneront naissance à la vidéo épisode 5 de Farwest 2009 (ici).


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Après la majesté des canyons, des mesas et des hoodoos, la fin du voyage paraît un peu fade. Je rends les commandes à Patrick qui nous cale en croisière au FL95, tout droit jusqu’à Sedona. A l’arrière, Vincent a allumé son portable et trie déjà ses photos. Dans le 88G, Joël dort.


Lentement, le désert se vallonne et se verdit, et finit par laisser place à des collines rondelettes couvertes d’arbres. Puis les collines deviennent des petites montagnes et des crevasses blanches qui déchirent la forêt. Et finalement, Sedona, Americas’s most scenic airport, posé tout en haut d’une grande colline au milieu d’un bassin encadré de falaises boisées, et encore des mesas, d’un rouge lumineux dans les rayons du soleil couchant. Un tour de piste et Patrick pose le Cessna, mettant fin aux vols d’une longue et mémorable journée.


Fatigués et affamés, nous nous retrouvons tous autour d’une collation et de pichets de bière au restaurant de l’aérodrome. Nous n’avons rien mangé depuis le petit-déjeuner.
Vincent et Bertrand prennent la voiture de location qui nous attendait sur la parking pour aller faire le check-in à l’hôtel, en bas dans la vallée, et les autres reprennent un pichet pendant que la nuit tombe.

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