Pendant que nous batifolions au dessus du Golden Gate, Alex DB et Marc-Olivier ont emmené N738TB, le Cessna défectueux, en mécanique à l'autre bout du terrain (et à Oakland, l'autre bout du terrain, c'est vraiment pas à coté). Nous les contactons par téléphone et ils nous expliquent que les mécanos sont en train de démonter les roues et qu'il y en a pour une bonne heure.
Christophe, qui n'a pas encore pu voler ce matin, a envie de profiter de ce temps libre pour faire lui aussi un bay tour. Il a beau être instructeur et pilote chevronné, il a les yeux qui pétillent autant que les nôtres à la perspective de survoler les landmarks mythiques de la baie de San Francisco. Avec une efficacité d'expert, il effectue rapidement la prévol de "notre" N4975F et le démarre en un tournemain. Heureux passager, je suis installé en place droite avec la carte sur un genou, le log de nav sur l'autre, l'appareil photo autour du cou, et surtout les yeux grands ouverts.
Et pour la deuxième fois de la journée, je suis fasciné par l'incroyable point de vue. Les tours du centre de San Francisco semblent jaillir du port, où sont amarrés de grands bateaux de croisière et des navires de guerre. Plus loin, la grande antenne radio perchée sur le mont Sutro surplombe les nuages, juste à coté des Twin Peaks. Vers le nord, la baie se coule autour de péninsules couvertes d'une végétation sèche et de lotissements bien ordonnés. La vaste étendue d'eau, scintillante sous le soleil de midi, est zébrée par les trajectoires écumeuses de multiples embarcations. L'omniprésente couche de nuages, toujours posée sur le Pacifique, a un peu reculé vers l'océan et, bien que le Golden Gate soit toujours enfoui sous un voile brumeux, nous pouvons cette fois ci prendre des photos de l'arc de sable blanc de Stinson Beach. Sans doute un endroit sympa pour la baignade et le surf.
Et pour la deuxième fois de la journée, je suis fasciné par l'incroyable point de vue. Les tours du centre de San Francisco semblent jaillir du port, où sont amarrés de grands bateaux de croisière et des navires de guerre. Plus loin, la grande antenne radio perchée sur le mont Sutro surplombe les nuages, juste à coté des Twin Peaks. Vers le nord, la baie se coule autour de péninsules couvertes d'une végétation sèche et de lotissements bien ordonnés. La vaste étendue d'eau, scintillante sous le soleil de midi, est zébrée par les trajectoires écumeuses de multiples embarcations. L'omniprésente couche de nuages, toujours posée sur le Pacifique, a un peu reculé vers l'océan et, bien que le Golden Gate soit toujours enfoui sous un voile brumeux, nous pouvons cette fois ci prendre des photos de l'arc de sable blanc de Stinson Beach. Sans doute un endroit sympa pour la baignade et le surf.
De retour à Oakland, nous faisons le plein des deux réservoirs de l'avion au self-serve de Kaiser. Nous n'avons pas de nouvelles de l'autre Cessna, mais nous espérons toujours pouvoir partir dans l'après-midi.
En attendant, nous improvisons un repas en achetant des cochonneries aux distributeurs installés dans les locaux du FBO. C'est fou comme on peut être dépaysé même par des marques de soda.
En attendant, nous improvisons un repas en achetant des cochonneries aux distributeurs installés dans les locaux du FBO. C'est fou comme on peut être dépaysé même par des marques de soda.
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Marc-Olivier est revenu de la mécanique avec une mauvaise nouvelle : le problème du N738TB est plus grave que prévu, et ils vont devoir commander des pièces pour le réparer. Vincent a détaillé l'avarie sur son blog avec une précision qui rappelle à quel point les pilotes, même de loisir, sont des gens pointus techniquement ; et je cite : [des] soucis de freins, de cylindre et de trucs qui fuient dans le machin. En pratique, ça veut dire que le Cessna ne sera pas en mesure de revoler avant au mieux 24 heures.
En ce beau début d'après midi, la chaleur fait onduler des mirages au dessus du béton des pistes d'Oakland. Au milieu des vas-et-viens d'hélicoptères et des sifflements de turbines, nous repensons le planning de la journée.
Nous n'avons que deux avions pour six personnes, et la première branche doit nous emmener à Klamath Falls, un terrain perché à 4000 pieds (soit 1250 mètres) dans la chaîne montagneuse des Cascades. A cette altitude, et avec cette chaleur, l'air moins dense limite les performances des moteurs et offre moins de portance aux ailes d'un avion. Décoller de la haut avec trois personnes à bord ne serait pas raisonnable. Nous nous rabattons donc sur l'aéroport de Medford (KMFR) qui, à cinquante nautiques à l'ouest de Klamath Falls, est campé dans une large vallée à une altitude plus raisonnable de 1300 pieds.
En ce beau début d'après midi, la chaleur fait onduler des mirages au dessus du béton des pistes d'Oakland. Au milieu des vas-et-viens d'hélicoptères et des sifflements de turbines, nous repensons le planning de la journée.
Nous n'avons que deux avions pour six personnes, et la première branche doit nous emmener à Klamath Falls, un terrain perché à 4000 pieds (soit 1250 mètres) dans la chaîne montagneuse des Cascades. A cette altitude, et avec cette chaleur, l'air moins dense limite les performances des moteurs et offre moins de portance aux ailes d'un avion. Décoller de la haut avec trois personnes à bord ne serait pas raisonnable. Nous nous rabattons donc sur l'aéroport de Medford (KMFR) qui, à cinquante nautiques à l'ouest de Klamath Falls, est campé dans une large vallée à une altitude plus raisonnable de 1300 pieds.
Reste à s'assurer qu'embarquer trois personnes et un surplus de bagages dans chaque avion ne va pas nous faire dépasser les masses maximales. Assis par terre à l'ombre de l'aile de N4975F, calculettes à la main et manuels des avions sur les genoux, les trois instructeurs de l'équipe (Alex D, Christophe et Marc-Olivier) effectuent un devis de masse et centrage rigoureux. Sans surpise, le Duchess, bimoteur puissant, respectera largement les limitations indiquées par le constructeur. C'était moins sûr, mais il en est de même pour le petit Cessna qui, grâce à son moteur de 180 chevaux (qui a remplacé le 160 chevaux d'origine), est tout à fait à la hauteur de la tâche. Marc-Olivier nous indique même comment mieux centrer les charges afin d'optimiser les performances.
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De nouveau en tant que pilot in command, je décolle de la piste 27 droite d'Oakland. Troisième bay tour de la journée, la routine. Avec Vincent, nous avons embarqué Alex DB à l'arrière de N4975F. Alex D est à bord du Duchess avec Marc-Olivier et Christophe.
Les nuages ont complètement disparu de la baie. L'horizon est clair, seule une légère brume s'effiloche au ras de la surface. Nous pouvons admirer le Golden Gate du haut des câbles jusqu'en bas des piliers. Quand nous passons au dessus de Stinson Beach, le contrôleur nous annonce que nous quittons sa zone et nous demande d'afficher le code transpondeur VFR générique (1200 aux USA) et de quitter la fréquence. C'était pas prévu ça, nous commencions à être habitués au confort du flight following où le contrôle nous donne à chaque fois la fréquence suivante. Maintenant, il va falloir trouver nous même qui appeler si nous voulons que notre vol soit suivi. Je mets cap sur la vallée de Napa, berceau des vins californiens, au nord de la baie. Pendant ce temps, Alex et Vincent cherchent dans la documentation aéronautique une fréquence à contacter. Je n'obtient pas de réponse sur la première qu'ils me suggèrent (sans doute l'antenne du contrôleur est-elle trop éloignée), mais j'ai plus de succès avec la seconde :
« 75F, can you tell me where you are again ?
- We are above Scaggs Island VOR, 75F.
- 75F, roger, you are outside my area. Please contact Norcal approach on -fréquence oubliée-. »
Ce n'est pas le bon centre de contrôle, mais il nous remet obligeamment sur le droit chemin. Décidément, pas facile de s'y retrouver sur ces cartes américaines pour des pilotaillons français !
Quelques minutes plus tard, nous sommes établis à six mille pieds, cap au nord et en flight following.
Les nuages ont complètement disparu de la baie. L'horizon est clair, seule une légère brume s'effiloche au ras de la surface. Nous pouvons admirer le Golden Gate du haut des câbles jusqu'en bas des piliers. Quand nous passons au dessus de Stinson Beach, le contrôleur nous annonce que nous quittons sa zone et nous demande d'afficher le code transpondeur VFR générique (1200 aux USA) et de quitter la fréquence. C'était pas prévu ça, nous commencions à être habitués au confort du flight following où le contrôle nous donne à chaque fois la fréquence suivante. Maintenant, il va falloir trouver nous même qui appeler si nous voulons que notre vol soit suivi. Je mets cap sur la vallée de Napa, berceau des vins californiens, au nord de la baie. Pendant ce temps, Alex et Vincent cherchent dans la documentation aéronautique une fréquence à contacter. Je n'obtient pas de réponse sur la première qu'ils me suggèrent (sans doute l'antenne du contrôleur est-elle trop éloignée), mais j'ai plus de succès avec la seconde :
« 75F, can you tell me where you are again ?
- We are above Scaggs Island VOR, 75F.
- 75F, roger, you are outside my area. Please contact Norcal approach on -fréquence oubliée-. »
Ce n'est pas le bon centre de contrôle, mais il nous remet obligeamment sur le droit chemin. Décidément, pas facile de s'y retrouver sur ces cartes américaines pour des pilotaillons français !
Quelques minutes plus tard, nous sommes établis à six mille pieds, cap au nord et en flight following.
San Francisco disparaît derrière nous. Nous survolons à présent une large plaine quadrillée d'un patchwork de champs irrigués étalant toutes les nuances de vert imaginables. De part et d'autre, des murailles grises et ocres sur lesquelles le soleil de l'après midi découpe des ombres acérées. Notre Cessna grimpe dans les Cascades, nous emmenant sans problème vers notre altitude de croisière prévue, onze mille pieds quand même.
Au fur et à mesure que nous grimpons, nous mixturons. Explication rapide : le moteur de notre Cessna est alimenté par un carburateur dans lequel se mélangent de l'air venant de l'extérieur et de l'essence qui descend par gravité du réservoir. L'air en altitude contenant moins d'oxygène, il faut réduire la quantité d'essence pour que le ratio air-essence reste optimal. Pour cela, nous tirons progressivement la manette rouge de la mixture en surveillant l'aiguille de la température des gaz d'échappement : elle monte doucement, jusqu'à un point où elle bascule et chute brusquement (en même temps que les tours du moteur, ça s'entend). On repousse alors un peu la manette de mixture pour ré-enrichir le mélange juste au réglage qui offre les meilleures performances.
La vallée que nous survolons se rétrécit au fur et à mesure que nous nous élevons dans les montagnes. Le terrain est moins sec et se couvre peu à peu d'arbres. Nous passons au dessus des étonnants tentacules fractaux du lac Shasta et quittons définitivement la vallée cultivée pour nous engager au dessus de vastes forêts de conifères qui assaillent la masse imposante du mont Shasta, un énorme volcan qui culmine à une hauteur de 14179 pieds (4322 mètres) et domine les environs de 10000 pieds (3000 mètres). Ses cimes, habituellement habillées de neiges éternelles, sont aujourd'hui tristement nues, et je me remémore à ce moment les glaciers fondus des Alpes.
Au fur et à mesure que nous grimpons, nous mixturons. Explication rapide : le moteur de notre Cessna est alimenté par un carburateur dans lequel se mélangent de l'air venant de l'extérieur et de l'essence qui descend par gravité du réservoir. L'air en altitude contenant moins d'oxygène, il faut réduire la quantité d'essence pour que le ratio air-essence reste optimal. Pour cela, nous tirons progressivement la manette rouge de la mixture en surveillant l'aiguille de la température des gaz d'échappement : elle monte doucement, jusqu'à un point où elle bascule et chute brusquement (en même temps que les tours du moteur, ça s'entend). On repousse alors un peu la manette de mixture pour ré-enrichir le mélange juste au réglage qui offre les meilleures performances.
La vallée que nous survolons se rétrécit au fur et à mesure que nous nous élevons dans les montagnes. Le terrain est moins sec et se couvre peu à peu d'arbres. Nous passons au dessus des étonnants tentacules fractaux du lac Shasta et quittons définitivement la vallée cultivée pour nous engager au dessus de vastes forêts de conifères qui assaillent la masse imposante du mont Shasta, un énorme volcan qui culmine à une hauteur de 14179 pieds (4322 mètres) et domine les environs de 10000 pieds (3000 mètres). Ses cimes, habituellement habillées de neiges éternelles, sont aujourd'hui tristement nues, et je me remémore à ce moment les glaciers fondus des Alpes.
Nous sommes à presque douze mille pieds quand nous passons au large de Shastina, le second sommet du mont Shasta, un cône volcanique qui culmine à 12330 pieds (3758 mètres). Alex et Vincent ressentent un coup de fatigue qu'ils attribuent à l'altitude élevée. Pour ma part, je ne remarque rien, mais je sais que hypoxie est un mal difficilement perceptible. Nous entamons donc la descente vers Medford, de toutes façons nous avons passé les plus haut reliefs.
"Lonely as God, and white as a winter moon, Mount Shasta starts up sudden and solitary from the heart of the great black forests of Northern California." Joaquin Miller, le mont Shasta.
En longue finale sur la piste 32 de Medford, nous nous enfonçons peu à peu dans la vallée. Des rideaux de lumière mouvants tombent d'entre les quelques nuages, donnant aux montagnes environnantes des couleurs changeantes. Je m'applique à tenir mon plan d'approche, et le seuil de piste grossit progressivement dans la verrière du Cessna. De la place arrière, Alex filme l'atterrissage, et Vincent prend en photo un Embraer 120 et un Dash 8 qui attendent au point d'arrêt. Les roues touchent le bitume avec un léger crissement et l'avion ralentit. Je sors sur le taxiway A et Vincent me guide vers la pompe self-serve. Le Duchess nous y rejoint un instant plus tard : il est arrivé au dessus du terrain avant nous, mais l'application d'une procédure IFR l'a obligé à faire un grand tour avant de rejoindre la finale, ce qui nous a permis de le dépasser sans nous en apercevoir.
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Nous faisons les pleins au self-serve dans une belle lumière de fin de journée.
Puis la nuit tombe, et la dure lumière électrique des lampadaires de l'aéroport prend le relais. Après une courte discussion, nous décidons de ne pas continuer le voyage de nuit. Nous redémarrons les avions et, tous phares allumés dans l'obscurité naissante, allons à la queue leu-leu nous garer au FBO (qui est assez loin du self-serve). Nous réglons les formalités avec le monsieur de permanence, qui s'occupe aussi, bien obligeamment, de nous trouver un hôtel. Après vingt minutes de taxi dans les larges rues de Medford, nous découvrons un motel typique situé juste sous une overpass autoroutière. Il ne manque que les néons grésillants.
Le dîner, à base de hamburgers comme de juste, est rythmé par un karaoké qui reste l'un des temps forts de ce voyage : outrageant, hilarant, incongru, pittoresque... je manque de qualificatifs ! En tous cas ce fut l'occasion d'un bon fou-rire.
Puis la nuit tombe, et la dure lumière électrique des lampadaires de l'aéroport prend le relais. Après une courte discussion, nous décidons de ne pas continuer le voyage de nuit. Nous redémarrons les avions et, tous phares allumés dans l'obscurité naissante, allons à la queue leu-leu nous garer au FBO (qui est assez loin du self-serve). Nous réglons les formalités avec le monsieur de permanence, qui s'occupe aussi, bien obligeamment, de nous trouver un hôtel. Après vingt minutes de taxi dans les larges rues de Medford, nous découvrons un motel typique situé juste sous une overpass autoroutière. Il ne manque que les néons grésillants.
Le dîner, à base de hamburgers comme de juste, est rythmé par un karaoké qui reste l'un des temps forts de ce voyage : outrageant, hilarant, incongru, pittoresque... je manque de qualificatifs ! En tous cas ce fut l'occasion d'un bon fou-rire.
Et puis au lit, parce que demain, il va vraiment falloir qu'on y aille, à Vancouver.